De 1970 à 1976, le manoir de Menez Kamm, à Spézet (Finistère), a rassemblé ce que la Bretagne comptait d’amis, de militants et d’acteurs de sa culture.

Sur la crête des Montagnes Noires, à Spézet (Finistère), le manoir de Menez Kamm porte dans ses murs l’écho de noms qui résonnent dans l’histoire culturelle bretonne : Alan Stivell, Youenn Gwernig, Glenmor, Yann Goasdoué et les Diaouled ar Menez, Chanig ar Gall, Gilles Servat. Et combien d’autres.

La comtesse qui aimait le breton

À l’origine de la belle aventure qu’a été celle de ce foyer culturel, une comtesse aux trois passions : Dieu, la chasse et son pays de Bretagne. En 1908, Vefa de Saint-Pierre achète l’austère manoir de Menez Kamm et ses terres revêches.

Cette femme, indépendante, audacieuse est une militante de la langue bretonne. « Le bilinguisme est un immense avantage ! disait-elle. Il faut apprendre le breton aux enfants et ensuite ils apprendront l’anglais en trois ou quatre mois. »

À la fin des années 1950, la comtesse, âgée, veut léguer aux générations à venir un lieu où séjourner et apprendre les langues celtiques, un lieu où les jeunes de tous les pays se rencontreraient et s’enrichiraient les uns des autres. Car il n’est pas question d’entre-soi, le projet est ouvert.Menez Kamm est là comme un phare dans le Kreiz Breizh.

Au cœur du Kreizh Breizh

La mission est confiée à Louis Le Floc’h, un ecclésiastique et poète de langue bretonne. En 1961, l’association KVS (Kedevrigeh vreizhat sevenadurezh) est créée. L’été, le domaine accueille des camps interceltiques et les scouts Bleimor, organisation de scouts bretons, dont fait partie celui qui deviendra Alan Stivell.

Mais le décès de Vefa de Saint-Pierre, en 1967, remet en cause la tâche de KVS qui fonctionne sans subvention.Fin 1969, Yannig et Joëlle Baron, Yann et Myriam Goasdoué, deux couples d’amis exilés en Provence, impliqués dans la diaspora bretonne, cherchent un moyen de revenir vivre en Bretagne.

Menez Kamm est idéalement situé au cœur de la Bretagne pour leur projet : une auberge dédiée à la culture bretonne où les hôtes participent aux tâches domestiques contre un hébergement bon marché. Le manoir est rénové. C’est sommaire mais suffisant.

Les folles nuits de Menez Kamm

La première veillée, ou beilhadegoù, de Menez Kamm a lieu le 28 août 1970. Une pièce de Per Jakez Helias y est jouée Les fous de la mer. En moins de quatre ans, plus de quatre cents manifestations vont suivre.

Menez Kamm est devenu incontournable pour tous ceux qui ont un intérêt ou militent pour la culture bretonne. Conteurs, sonneurs traditionnels, chanteurs, musiciens s’y succèdent.

On y danse à faire trembler les poutres, on y chante, on y mange bien, on partage repas et vaisselle, on y dort, plus ou moins, dans les dortoirs qui sont parfois mixtes. L’ambiance y est chaleureuse, familiale et joyeuse. C’est un QG parfait pour écumer les festoù-noz de la région. Des stages de breton y sont organisés. On y rencontre des Irlandais, des Gallois, des Basques, des Écossais et même parfois des Japonais.

Pour des raisons professionnelles, Yannig Baron et Yann Goasdoué (fondateur des éditions Coop Breizh, à Spézet) s’éloignent de Menez Kamm. Un permanent, Pierrig Le Dréau, est embauché en septembre 1974. Malgré toute l’énergie et la volonté des uns et des autres, le déficit se creuse. En octobre 1976, le foyer culturel de Menez Kamm ferme.

La propriété est rétrocédée à la famille de Vefa de Saint-Pierre. Le manoir et ses terres abritent aujourd’hui une exploitation agricole.

L’épopée de Menez Kamm s’est achevée mais reste emblématique de l’histoire de la vitalité de la culture bretonne.