Dix ans après, Kíla, groupe irlandais, revient au Festival interceltique.

C'est la troisième fois qu'il participe au Fil et est heureux de jouer à nouveau sur le sol breton. Nous avons posé quelques questions à Colm Ó Snodaigh, membre du groupe depuis 1990. Cela fait 25 ans que Kíla existe.

Comment le groupe a-t-il évolué ?

Le groupe a été créé en 1987. Je n'étais pas présent au moment de la formation du groupe, je ne suis arrivé que quelques années plus tard. Cela fait tellement de temps que le groupe existe, qu'aujourd'hui il n'est plus le même... C'est intéressant, car il ne représente plus exactement qui nous étions à l'origine. Mais nous avons évolué, dans le bon sens et le groupe continue d'exister. Ce n'est pas la première fois que vous venez à Lorient.

Quand êtes-vous venus pour la dernière fois ?

En effet, nous sommes déjà venus auparavant ! Une première fois en 1993, puis à nouveau en 2005. Nous revenons donc pour la troisième fois. J'imagine que ça a dû bien changer. En 1993, je suis tombé amoureux de cette ville. J'ai eu l'occasion de flâner dans les rues et sur le site du festival et de m'imprégner de cette atmosphère si particulière. Dix ans déjà !

Qu'est-ce cela vous fait de revenir ?

Nous avons le sentiment que tout cela nous est très familier et que nous sommes dans notre élément. Néanmoins, nous restons très concentrés sur notre travail.

On en reparle après le concert ?

Déjà, à l'époque, je trouvais que le festival était très, voire trop grand. Avec tellement d'animations, la musique, l'ambiance... J'espère qu'on aura un peu de temps pour se poser et en profiter.

Quels morceaux allez-vous jouer ce soir ?

Nous allons faire un mixte de plusieurs titres de nos albums. Nous allons jouer des morceaux de notre nouvel album « Suas sios », puis certains sons qui n'ont pas été enregistrés, d'autres d'anciens albums et enfin, des titres de la bande originale du film d'animation « Le chant de la mer » sur lequel nous avons travaillé l'année dernière, avec le compositeur Bruno Coulais et Cartoon Saloon (studio d'animation irlandais).

Justement, le travail d'enregistrement d'une bande originale d'un film diffère-t-il de ce que vous faites habituellement ?

Oui c'est totalement différent ! Lorsque l'on crée une bande originale, on travaille avec un réalisateur et un compositeur. Il faut être à l'écoute, être à 100 % concentré, on apprend sans cesse, on rit et on aime... C'est un travail très subtil où nous sommes là pour ajouter de la couleur et rendre le film encore plus beau. Lorsque l'on se produit sur scène, c'est de nous et de notre groupe qu'il s'agit, nous faisons notre musique, personne ne nous dirige. C'est un défi à relever, mais c'est une très belle expérience, un privilège. Nous avons travaillé avec Bruno Coulais qui est remarquable.

Quels sont vos projets à venir ?

Nous allons à nouveau collaborer avec Bruno Coulais, qui travaille actuellement sur la bande-son d'un film d'animation, qui retrace l'histoire d'un danseur breton qui monte à Paris. Ensuite, Cartoon Saloon prévoit de créer un nouveau film, avec qui nous collaborerons également. Cela devrait prendre trois ans. Nous n'avons pas d'albums prévus pour le moment, mais pleins de projets à mettre en oeuvre !

© Le Télégramme

Le Festival Interceltique de Lorient (Morbihan) s'est ouvert hier. Vitrine des peuples celtes, il s'inscrit dans l'histoire longue de l'interceltisme. Le journaliste et historien Erwan Chartier-Le Floch a retracé cette histoire.

Entretien

Le Festival de Lorient célèbre l'interceltisme. Qu'est-ce que c'est ?

Littéralement, c'est la rencontre des peuples celtes entre eux. D'abord intellectuel, le mouvement prend forme au XIXe siècle, bien avant la création du Festival de Lorient, en 1971. Les penseurs se tournaient alors vers le passé, pour réenchanter la société industrielle. En Bretagne, on étudiait les mythes celtiques. Qui dit mythe ne veut pas forcément dire réalité historique, même s'il est certain qu'il y a eu une présence celte en Bretagne. En fait, on peut dire que le mythe finit par produire de la réalité.

Que faisaient ces intellectuels ?

Ils voyageaient dans les régions celtiques, la première fois en 1838, au pays de Galles. Pour l'occasion, ils organisaient des congrès, des banquets, mais aussi des excursions. Ces intellectuels construisaient des ponts entre les régions celtes.

Quels objectifs avaient-ils ?

L'interceltisme était surtout une boîte à idées. Le meilleur exemple est la cornemuse écossaise. Elle est introduite en Bretagne par l'écrivain Charles Le Goffic, fin du XIXe siècle. Pareil, le bagad breton est fortement inspiré du pipe band écossais. La révolution irlandaise de 1916 va aussi devenir un exemple de radicalité en Bretagne.

C'est le moment où le mouvement devient politique ?

Tout à fait. L'image de l'Irlande rebelle va fasciner les tendances militantes bretonnes. Récemment encore, des politiques bretons ont évoqué l'autonomie écossaise. D'ailleurs, à partir des années 80, le mouvement va devenir institutionnel. Des accords entre pays celtiques vont être signés. Grâce à ces rencontres, la Bretagne profite d'une image positive à l'international.

Comment le Festival interceltique s'inscrit-il dans cette histoire ?

La Festival de Lorient appartient à une troisième phase de l'interceltisme : la phase culturelle. Il faut savoir que la première fête interceltique s'est déroulée en 1927, à Riec-sur-Belon, dans le Finistère. Des chanteurs gallois et un pipe band écossais étaient invités. Il y avait aussi des lutteurs corniques, sport très populaire à l'époque. Mais cette fête ne dura pas. Issu du Championnat des bagadoù, le Festival Interceltique de Lorient verra le jour en 1971.

Quel était le contexte de l'époque ?

Le contexte était évidemment favorable. L'interceltisme culturel avait pris de l'ampleur dans les années 50 et 60, à l'époque de la création des grandes fédérations comme Kendalc'h. C'est aussi dans ces années-là que renaît la musique celtique, avec des artistes comme Alan Stivell. Le premier Breton sur la scène de l'Olympia ! Le FIL est issu de cette histoire de l'interceltisme, de la création des bagadoù bretons à la volonté de créer et de développer des liens entre les régions celtes d'Europe.

Et le festival est aujourd'hui une vitrine pour l'interceltisme ?

C'est évident. Il en est devenu un acteur et une vitrine. Acteur parce que lieu d'expérimentation et de rencontre. Vitrine parce qu'il donne à voir à un public très large la variété de l'expression artistique dans les pays celtiques. Le FIL a réussi à développer la part conviviale de l'interceltisme.

Cette histoire de l'interceltisme est-elle bien connue ?

Il est vrai que le festival accueille de nombreux visiteurs, venant de régions celtes ou non. Les conférences ont aussi été renforcées pendant l'événement. Mais il y a un risque de méconnaissance. Peut-être manque-t-il des expositions pédagogiques, pour présenter la culture des pays invités. Il serait aussi intéressant d'avoir un lieu ouvert toute l'année sur l'interceltisme.

Du 7 au 16 août, à Lorient. Ce samedi, championnat national des bagadoù, stade du Moustoir, à partir de 10 h. Dimanche, Grande parade, à partir de 10 h. Programme : www.festival-interceltique.bzh