Le gouvernement britannique souhaite renégocier en profondeur le protocole nord-irlandais conclu au moment du Brexit avec l’Union européenne, qui se dit seulement prête à des aménagements.
Les mots « Irlande du Nord » peints sur un mur du quartier loyaliste ouvrier de Sandy Row, à Belfast, le 27 avril 2022. ED ALCOCK/MYOP POUR « LE MONDE »
Malgré les risques de représailles des Européens, le gouvernement britannique a menacé mardi 17 mai de légiférer dans les prochaines semaines pour revenir sur les contrôles post-Brexit qui ont plongé l’Irlande du Nord dans une crise politique.
En raison de l’impasse politique dans la province britannique et des perturbations dans les échanges commerciaux entre la province et le reste du Royaume-Uni, Londres souhaite renégocier en profondeur le protocole nord-irlandais conclu au moment du Brexit avec l’Union européenne, qui se dit seulement prête à des aménagements.
Après des mois de discussions infructueuses, la cheffe de la diplomatie Liz Truss a expliqué devant les députés que le gouvernement comptait « introduire un projet de loi dans les prochaines semaines pour apporter des changements au protocole ». « Il ne s’agit pas d’éliminer le protocole », et le texte de loi proposé est compatible avec les obligations du Royaume-Uni en matière de droit international, a insisté la ministre au sujet de ce projet qui risque de déclencher la colère du côté de l’UE.
« Notre préférence reste une solution négociée avec l’UE et, parallèlement à l’introduction de la législation, nous restons ouverts à de nouvelles discussions, si nous pouvons obtenir le même résultat grâce à un règlement négocié. »
L’UE a précédemment averti que revenir sur ce traité signé par Boris Johnson en connaissance de cause reviendrait à violer le droit international et que le Royaume-Uni s’exposerait à de sévères représailles commerciales.
« Bon départ »
Lundi, le premier ministre britannique, Boris Johnson, avait affirmé qu’il « aimerait » résoudre la question « de manière consensuelle avec nos amis et partenaires » de l’UE, ajoutant toutefois que le Royaume-Uni avait aussi besoin de « l’assurance » d’une « solution législative en même temps ». Le dirigeant conservateur s’exprimait lors d’une visite en Irlande du Nord, où il a tenté de convaincre les différentes formations politiques de trouver un compromis et de « retourner au travail ».
Car, depuis la victoire historique des républicains du Sinn Fein lors d’élections locales le 5 mai, les institutions nord-irlandaises sont à l’arrêt. Les unionistes du DUP refusent de participer à l’exécutif local, pourtant censé être partagé en vertu de l’accord de paix de 1998 qui a mis fin à trois décennies de conflit sanglant, connues sous le nom de « Troubles ». Et ils ont bloqué l’Assemblée locale en refusant de désigner un nouveau candidat.
Les unionistes entendent ainsi faire pression pour modifier le protocole nord-irlandais, l’accord signé entre Londres et Bruxelles pour répondre à la délicate question de la frontière entre l’Irlande du Nord britannique et la République d’Irlande européenne après le Brexit. Ce texte crée une frontière douanière de fait avec la Grande-Bretagne et menace, selon eux, la place de la province au sein du Royaume-Uni à laquelle ils sont viscéralement attachés.
Au cœur du bras de fer politique, le chef du parti unioniste DUP, Jeffrey Donaldson, a qualifié les annonces du gouvernement de « bon départ » mais réclamé des « actes » et pas seulement des « mots ». Les républicains du Sinn Fein s’opposent, eux, fermement à un projet de loi britannique.
L’UE « devra répondre avec tous les moyens »
La République d’Irlande, membre de l’UE, s’inquiète des conséquences d’une éventuelle décision britannique. « Toute action unilatérale est préjudiciable », a tweeté lundi le premier ministre irlandais, Micheal Martin, appelant à trouver une issue par la négociation.
Le chef de la diplomatie irlandaise, Simon Coveney, a exprimé mardi ses profonds regrets après la prise de parole de Mme Truss. « De telles actions unilatérales concernant un accord international contraignant abîment la confiance et ne serviront qu’à rendre plus difficile la recherche de solutions aux préoccupations réelles » des habitants de la province au sujet de la mise en œuvre du protocole, a-t-il déclaré dans un communiqué.
L’Union européenne « devra répondre avec tous les moyens à sa disposition » si le Royaume-Uni met ses menaces à exécution, a prévenu de son côté le vice-président de la Commission européenne, Maros Sefcovic, dans un communiqué.
Le projet de loi annoncé mardi prévoit que les marchandises circulant et restant au sein du Royaume-Uni passent par un « nouveau canal vert », les libérant de démarches administratives. Les marchandises destinées à l’UE resteront, elles, soumises à l’ensemble des vérifications et contrôles appliqués en vertu du droit de l’UE.
« Les entreprises pourront choisir entre respecter les normes britanniques ou européennes dans un nouveau régime de réglementation double », a dit Mme Truss. Pour répondre aux inquiétudes de l’UE sur la protection du marché unique, Londres promet de partager davantage de données.
Les institutions nord-irlandaises avaient déjà connu trois ans de paralysie, sur fond de scandale financier, avant qu’un accord ne permette le rétablissement de leur fonctionnement en janvier 2020.