La roue du moulin Martry Mill et son propriétaire, James Tallon, le 27 avril 2020, dans le comté de Meath en Irlande ((c) Afp)
Navan (Irlande) (AFP) - Dans la campagne près de Dublin, la rivière Blackwater fait tourner à plein régime les roues du moulin Martry Mill pour répondre à la demande croissante en farine des familles irlandaises confinées face à l'épidémie de nouveau coronavirus.
"On pourrait travailler 24h/24 !", assure James Tallon, le propriétaire des lieux. "Même les supermarchés qui, avant, ne vendaient que cinq caisses de farine par semaine pourraient maintenant en vendre 50 si on leur en fournissait suffisamment", explique cet Irlandais de 64 ans, dont la famille tient le moulin depuis quatre générations.
L'Irlande vit sous confinement depuis le 28 mars et déplore plus de 1.100 décès dus à la pandémie de nouveau coronavirus. Coincés chez eux, de nombreux Irlandais sont amenés à cuisiner bien plus qu'avant, par nécessité ou pour passer le temps.
Ingrédient de base, la farine vient régulièrement à manquer dans les supermarchés, qui pour certains ont mis en place des restrictions sur les ventes, et les producteurs sont contraints d'augmenter leur cadence.
- "Demande sans précédent" -
James et son fils doivent désormais moudre à plein régime pour satisfaire la demande des boulangeries, supermarchés et autres magasins du comté de Meath.
A l'intérieur de leur moulin datant de 1641, on est assailli par le vacarme des rouages actionnés par la rivière, qui génèrent une fine poussière blanche et une douce odeur de bois séché. Au premier étage, de grandes meules en bois écrasent un flux continu de grains.
La farine brute descend ensuite au niveau inférieur, où elle est tamisée dans un appareil, avant que le fils de James Tallon, en salopette blanche et chapeau vissé sur la tête, n'empaquette le produit fini.
C'est ainsi que le Martry Mill produit désormais entre une tonne et une tonne et demie de farine par jour - l'équivalent de 500 à 700 paquets de deux kilos.
"Avant le Covid-19, on avait de la chance si on produisait autant en deux semaines", raconte à l'AFP James Tallon.
La situation lui rappelle les récits de son père sur les deux guerres mondiales qu'il a toujours écoutés sans trop y croire: le moulin fonctionnait 24h/24 pour répondre aux pénuries. Des histoires qu'il prenait jusqu'ici "avec des pincettes".
A plus grande échelle, de grosses entreprises irlandaises comme Odlums font face à "une demande sans précédent".
Dans son usine de Portarlington (centre), qui produit plus de 120 produits destinés à la pâtisserie, l'entreprise a indiqué travailler désormais elle aussi 24h/24.
- Coût et "plaisir" -
Alors que des photos triomphantes de pâtisseries faites maison inondent les réseaux sociaux, James Tallon a sa théorie concernant la soudaine popularité de la cuisine en temps d'épidémie.
"Le temps est devenu une marchandise, dont les gens disposent désormais et qu'ils n'avaient pas auparavant, trop occupés à courir à droite à gauche", estime-t-il. "Maintenant qu'ils prennent du recul, ils réalisent que la pâtisserie maison, la bonne cuisine maison, est en fait beaucoup moins chère et bien meilleure".
"On tire beaucoup plus de plaisir à faire son propre pain, à pétrir soi-même la pâte, à le cuire au four et à en sentir l'odeur qui envahit la maison", se réjouit le meunier.
Pour l'instant, le confinement est maintenu jusqu'au 5 mai en Irlande, mais il est très probable que de nombreuses mesures restrictives soient prolongées pour les semaines à venir.